“Ni muses, ni groupies”, les voix du combat 

Dans un essai passionnant, la journaliste et autrice Chloé Thibaud offre une réflexion pointue sur la place des femmes dans la musique, dont la puissance créatrice a longtemps été muselée ou invisibilisée.

Par Bénédicte Flye Sainte Marie

Vous aviez raté Ni muses ni groupies en grand format ? Leduc propose une séance de rattrapage avec l’édition en poche de cet ouvrage.

Après avoir remué les consciences il y a quelques mois avec Désirer la violence, livre visant à démontrer que la pop-culture, à travers les films et les séries, encourage et romantise les comportements brutaux et les agressions sexuelles, Chloé Thibaud nous brosse dans cet ouvrage un panorama des femmes qui ont compté dans l’univers de la musique depuis le début du XXème siècle. 

On y apprend que dans cette quête d’émancipation et d’affirmation, certaines artistes aujourd’hui trop méconnues ont ouvert la voie pour celles qui les ont suivies, comme la mère du blues Ma Rainey, chanteuse afro-américaine qui a porté haut son droit à sa liberté, notamment d’aimer qui elle souhaite (son Prove it on me Blues est considéré comme un hymne lesbien) et ses revendications à l’égalité salariale.  

Voyageant à travers les décennies, Chloé Thibault montre ensuite à quel point le sexisme a toujours infusé ce milieu, notamment dans les années 60 et 70 où les auteurs masculins ont adoré mettre dans la bouche des très jeunes France Gall et Lio des phrases pleines d’équivoque qu’elles ne comprenaient ou dont elles ne mesuraient pas la portée.

Moins naïves, plus conscientisées, leurs lointaines petites sœurs, les Angèle, Yseult, Clara Luciani et autres Pomme ne laissent plus personne s’exprimer à leur place et font de leurs tubes des caisses de résonnance de leurs engagements militants et citoyens.

Malgré leur avènement, la sphère musicale est tout sauf exemplaire en termes de parité et encore peu prompte à se mobiliser face aux dérives qu’elle abrite. 

Toujours précise, très documentée et jamais dogmatique, Chloé Thibaud émaille aussi son opus de nombreux verbatims, anecdotes et interviews, parfois réalisées auprès de personnalités aux points de vue très opposés aux siens, comme Françoise Hardy, disparue en juin 2024.

On le referme en ayant conscience du chemin qu’il reste à parcourir et avec l’envie de reprendre à notre compte l’appel à la rébellion lancé par Courtney Love, citée par Chloé Thibaud;

Je veux que toutes les filles du monde prennent une guitare et se mettent à crier”...


Ni muses, ni groupies, une histoire féministe de la musique de Chloé Thibaud, préface de Flore Benguigui, 8,90 euros, Éditions Leduc

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